Jamais on ne fera qu'un crabe marche droit. Aristophane
Un jour, le croyez-vous, l'amour, sous les rochers,
vint surprendre un crabe, béat d'admiration
pour la demoiselle qui semblait l'ignorer,
coquette et transparente au milieu des poissons.
La réponse attendue à sa déclaration
plongea le crabe épris dans un profond tourment :
Je t'aimerai, je crois, et nous nous marierons,
quand tu marcheras droit, je t'en fais le serment.
Tant il est amoureux, le crabe réfléchit
au moyen de séduire à coup sûr sa princesse.
La beauté de ses yeux hante toutes ses nuits.
L'amour qui le rend fou inspire sa détresse.
Un soir de marée basse, il approche sans bruit,
marchant droit devant lui. La crevette étonnée
le suit à reculon, voilà qu'elle sourit,
ses antennes émues, tendues, bouleversées.
Mais, coquine, elle admet que c'est un beau début,
et demande un délai jusqu'au mois de juillet,
pour s'y habituer, pour être convaincue
de vouloir l'épouser aux beaux jours de l'été.
Et ce qui arriva m'est triste à raconter :
Le crabe décharné fut pris d'une migraine
et de maux d'estomacs qu'il ne put supporter,
prodigués par l'alcool, depuis plusieurs semaines.
Usé d'avoir marché, ivre mort sur le sable,
un jour il s'écroula, terrassé de nausées.
Il ne put déclamer un adieu mémorable :
Un pêcheur l'attrapa : L'Amour fut endeuillé.
Eût-il eu la sagesse et le raisonnement,
connus, d'Aristophane, il eût mis en avant
que le décapode, pour rester bien vivant,
fait des pas de côté, tout naturellement.