Le progrès scientifique est-il toujours souhaitable ?

Faut-il faire des recherches sur absolument tout ce qui est à notre portée, au nom de la quête du savoir, ou bien la folie de l'humanité doit-elle inciter à la prudence et à limiter notre puissance scientifique ?
Je pense par exemple à l'énergie nucléaire. Certes, lorsqu'elle est utilisée à bon escient, elle apporte de l'énergie en limitant l'impact sur l'environnement dû aux centrales à charbon ou pétrole (je ne veux pas entrer dans le débat des déchets à longue vie, ce n'est pas le sujet), Mais en même temps l'énergie nucléaire a surtout donné la bombe A, puis la bombe H, arme qui je le rappelle n'a aucune limite de puissance.
Il me semble inéluctable qu'à un moment de l'histoire, cette arme terrifiante sera utilisée offensivement, et les conséquences seront désastreuses, voire cataclysmiques.
Alors les scientifiques du monde entier faisant de la recherche fondamentale sur l'atome auraient-ils dû stopper les recherches sur la fusion ou la fission pour que cela ne se produise jamais ?
Les recherches sur l'antimatière doivent-elles s'arrêter ? Sur le clonage ? Sur les machines pensantes ? Sur le cerveau humain ? Les sujets sensibles et facilement sujets à dérive sont nombreux.

Je ne parle pas des petits comités d'éthique qui existent aujourd'hui, ou des traités sur la non-prolifération nucléaire. Doit-on stopper les recherches fondamentales sur les sujets vraiment sensibles, capables de rendre l'humanité encore plus dangereuse pour elle même et le reste du monde ?
Les bénéfices possibles pour l'humanité valent-ils de prendre le risque de dangers de plus en plus immenses ?
(Bien sûr, il est pratiquement impossible de réguler toute la recherche mondiale, mais en principe, cela est-il souhaitable ?)

Le savoir doit-il être sacrifié à la prudence face à la folie humaine ?

La science nous permet de réaliser sans cesse plus de choses.
Mais c'est à la sagesse de déterminer qu'elles sont les choses intéressantes à réaliser.
Si la science se développe plus vite que la sagesse alors c'est comme si nos deux jambes n'avancaient pas à la même vitesse : on risque de tomber.
Actuellement l'homme est bien trop puéril pour se servir convenablement de toutes les inventions modernes.

Maeander, tant qu'il y aura des soldats, la science ne sera pas libre. Oppenheimer en a fait la triste expérience en son temps : naïf, il a travaillé sur la bombe A avec l'assurance qu'"on" lui donnait qu'elle ne serait jamais utilisée sur des populations humaines ..... Puis ce fut Hiroshima et Nagasaki ...


Un peu moins d'argent pour les techniques de pointe et un peu plus pour les sciences humaines ... pourquoi pas ?

Je ne suis pas certain que la sagesse progresse. La science, par contre, il n'y a pas de doute. Ne trébuchons-nous pas déjà ?
La science est amorale, et pas dangereuse en soi (ce sont ses applications qui le sont), mais pour éviter tout risque, ne vaut-il mieux pas renoncer au progrès ?
J'aurais tendance à penser que non, mais les dérives passées et celles qui vont probablement se produire donnent à réfléchir...
En même temps, la régression (ou au moins la stagnation) est-elle une solution viable ? J'en doute, mais ce ne sont que des a priori.

Une société qui développerait la sagesse, mais pas la technologie, serait moins dangereuse et plus heureuses que les autres.
L'ennui c'est qu'elle serait probablement impuissante en cas de cataclysme ou d'invasion guerrière..; et donc elle ne poiurrait pas subsister longtemps.

Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels sont des traités internationaux qui contiennent les règles essentielles fixant des limites à la barbarie de la guerre. Ils protègent les personnes qui ne participent pas aux hostilités (les civils, les membres du personnel sanitaire ou d’organisations humanitaires) ainsi que celles qui ne prennent plus part aux combats (les blessés, les malades et les naufragés, les prisonniers de guerre).

Ils datent de 1949, et font suite à ceux adoptés en 1864, 1906 et 1929.

Impossible de les imaginer proposés il y a quelques siècles, puisque même aujourd'hui il est difficile de les faire appliquer dans certains conflits ...

Est-ce à dire que c'est une certaine sagesse humaniste qui, progressant, a permis que de tels textes soient signés par des Etats ?


Pour ma part, je pense que la sagesse progresse sous certaines conditions ...

"Une société qui développerait la sagesse, mais pas la technologie, serait moins dangereuse et plus heureuses que les autres.
L'ennui
c'est qu'elle serait probablement impuissante en cas de cataclysme ou
d'invasion guerrière..; et donc elle ne poiurrait pas subsister
longtemps."

Beurk, une telle idée...

"Tu pleures sur des hommes qu’il ne faut pas pleurer, quoique tes
paroles soient celles de la sagesse. Les sages ne pleurent ni les
vivants ni les morts ;"

http://fr.wikisource.org/wiki/La_Bhagavad-G%C3%AEt%C3%A2,_ou_le_Chant_du_Bienheureux/Chapitre_2

Et ces corps qui finissent procèdent d’une Ame éternelle, indestructible, immuable. Combats donc, ô Bhârata.
Celui qui croit qu’elle tue ou qu’on la tue, se trompe : elle ne tue pas, elle n’est pas tuée,
Elle ne naît, elle ne meurt jamais ; elle n’est pas née jadis,
elle ne doit pas renaître ; sans naissance, sans fin, éternelle,
antique, elle n’est pas née quand on tue le corps.
Comment celui qui la sait impérissable, éternelle, sans naissance et sans fin, pourrait-il tuer quelqu’un ou le faire tuer ?

Et si la convention de Genève n'était pas un progrès de la Sagesse ? Et si le progrès en "sagesse" n'était qu'une phase temporaire, un simple progrès local dû aux horreurs rares de la guerre de 39-45 ?
J'ai peu étudié l'Histoire, mais il m'a quand même semblé pouvoir tirer une leçon : l'humanité ne progresse ni ne régresse globalement. On pourrait croire que l'accumulation d'expérience permettrait d'éviter de réitérer les erreurs du passé, mais il n'en est rien. L'humanité finit toujours par oublier, ou à penser que les choses seront différentes.
Pourtant, il est indéniable que la Science progresse, que la technique progresse (au moins en ce moment, et même globalement). Mais cette progression ne semble pas contagieuse.
C'est pour cela que je pense que la sagesse n'évoluant pas, il pourrait être souhaitable que la science n'avance pas non plus.

Mais l'idée contraire est aussi défendable : peut-être que les progrès en science et en technique finiront par tirer vers le haut l'humanité...

cébé a écrit:

Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels sont des traités internationaux qui contiennent les règles essentielles fixant des limites à la barbarie de la guerre. Ils protègent les personnes qui ne participent pas aux hostilités (les civils, les membres du personnel sanitaire ou d’organisations humanitaires) ainsi que celles qui ne prennent plus part aux combats (les blessés, les malades et les naufragés, les prisonniers de guerre).

Ils datent de 1949, et font suite à ceux adoptés en 1864, 1906 et 1929.

Impossible de les imaginer proposés il y a quelques siècles, puisque même aujourd'hui il est difficile de les faire appliquer dans certains conflits ...

Est-ce à dire que c'est une certaine sagesse humaniste qui, progressant, a permis que de tels textes soient signés par des Etats ?


Pour ma part, je pense que la sagesse progresse sous certaines conditions ...

En cas de guerre, le pays qui ne respecterait pas les conventions de Genève aurait plus de chance de gagner que celui qui les respecte. Hélas.
Le résultat est donc qu'il devrait y avoir de moins en moins de pays respectant ces conventions.

Vouloir moraliser la guerre peut paraitre absurde.
La guerre devrait carrément être interdite.

Mais ... bon ... on fait ce qu'on peut.

Jugulé a écrit:

"Tu pleures sur des hommes qu’il ne faut pas pleurer, quoique tes
paroles soient celles de la sagesse. Les sages ne pleurent ni les
vivants ni les morts ;"

C'est vrai qu'une société de sages 'en foutrait de subsister ou pas.

Mais le résultat est la :
Les sociétés de sages auraient donc tendance à disparaitre peu à peu alors que les sociétés de barbares sanguinaires auraient tendance à se répandre.

Maeander a écrit:

Et si la convention de Genève n'était pas un progrès de la Sagesse ? Et si le progrès en "sagesse" n'était qu'une phase temporaire, un simple progrès local dû aux horreurs rares de la guerre de 39-45 ?
J'ai peu étudié l'Histoire, mais il m'a quand même semblé pouvoir tirer une leçon : l'humanité ne progresse ni ne régresse globalement. On pourrait croire que l'accumulation d'expérience permettrait d'éviter de réitérer les erreurs du passé, mais il n'en est rien. L'humanité finit toujours par oublier, ou à penser que les choses seront différentes.
Pourtant, il est indéniable que la Science progresse, que la technique progresse (au moins en ce moment, et même globalement). Mais cette progression ne semble pas contagieuse.
C'est pour cela que je pense que la sagesse n'évoluant pas, il pourrait être souhaitable que la science n'avance pas non plus.

Mais l'idée contraire est aussi défendable : peut-être que les progrès en science et en technique finiront par tirer vers le haut l'humanité...

L'idéal des taoistes était une société ou les hommes seraient les plus ignorants possibles.
Ainsi ils ne sauraient rien des peuples voisins, et donc ils ne les envieraient pas et ne chercheraient donc pas à les dépasser ou à les asservir.

Taoisme? ou maoisme?

Le taoisme laisse les choses se faire toutes seules, naturellement.
Le maoisme, comme toutes les dictatures, fait l'inverse.

J'ai toujours vu l'importance de séparé la philosophie et la manière de l'appliquer.
On se retrouve toujours a s'adapter a une réalité.
Et je suis sur que tu as plus solide que: "dictature = pas beau!"^^
Donc explique moi sa, si tu as le temps, s'il te plais.

Se que j'ai dit, est mal dit. Le mot dictature choc, c'est un fait. Mais on peu le minimiser, et arrivé a approuver un système qui aurai pour but d'unifier les idées. D'ailleurs n'est ce pas le principe de l'éducation. (écoles, médias, ...) Dicter des vérités a des ignorants, c'est une dictature morale. L'idée de "Dictature de la pensé unique" existe.

Bonsoir,

sur toutes ces questions l'un des plus autorisés reste Jacques Ellul, un des premiers à avoir formulé clairement la question des effets imprévisibles (cf. les effet pervers en sociologie et notamment chez Raymond Boudon). Même si, bien sûr, dès le XVIIIe siècle (première révolution industrielle, succès de l'économie libérale, etc.), de plus en plus de penseurs en auront une intuition substantielle qui vaut d'être lue (Mandeville par exemple).
Pour Jacques Ellul, outre La Technique ou l'enjeu du siècle, son plus connu, on trouve aussi Présence au monde moderne (1946).
On peut ajouter Les Carrefours du labyrinthe de Castoriadis (surtout les vol. 4 ; 5 et 6) et L'institution imaginaire de la société (2e partie).

Bob a écrit:

Et je suis sur que tu as plus solide que: "dictature = pas beau!"^^
Donc explique moi sa, si tu as le temps, s'il te plais.

Les dictatures sont dirigistes.

Et les cultures technologiques également : elle veulent agir sur le monde, sur la nature.

Et on voit que ca donne souvent de mauvais résultats si ce n'est pas fait avec sagesse.

Ne confondons pas plusieurs choses qui sont fortement liées mais néanmoins bien différentes. La science d'une part et la technologie de l'autre. D'une manière vulgaire on peut dire que la première est le savoir rationnel, théorique pure et la seconde son application concrète, physique, matérielle. Le progrès du savoir est de toute évidence toujours souhaitable. Les inégalités, les guerres, les problèmes en tous genres qui persistent sur la surface du globe témoignent d'un savoir incomplet, imparfait et qu'il convient sans cesse de perfectionner. Mon propos n'est pas de soutenir l'avènement d'une science parfaite, c'est un autre débat, mais d'ici là on peut encore se creuser les méninges. Le progrès le plus délicat à notre époque est d'ordre technologique de toute évidence. Aucun savoir n'est bon ou mauvais en soi, c'est son utilisation qui crée des conséquences positives ou négatives de tel ou tel point de vue.
Que voulez-vous donc dire par progrès scientifique ?

La science permet de savoir comment fonctionne le monde.
La technologie permet d'utiliser ce savoir pour agir sur le monde.
La technologie suit donc un but car, pour agir, il faut un but.
Mais comment fait-on pour déterminer quels buts il faut suivre ?
La science ne le dit pas.
C'est donc les parties les plus primitives de notre cerveau qui déterminent nos buts (instincts, émotions, etc...)
C'est pourquoi la technologie met la science au service de buts souvent peu reluisants.
Voila pourquoi la technologie semble parfois être mauvaise.

Car je suppose que le "progrès scientifique" signifie surtout "progrès technologique".

Le véritable problème est donc toujours le même : l'être humain !