Le jeune homme qui voulait être berger (conte philosophique)

Citation :

C'était un berger de Provence qui aimait la vie, ses chèvres et les montagnes. Oh, ce n'était point une vie trépidante mais on sentait chez ce jeune pâtre de 20 ans une envie de vivre plus forte que la vie elle même. Vous pourriez croire que cette histoire se passait aux temps des vieux tacots et des crinolines ? Et bien pas du tout, l'aventure que je suis en train de vous conter c'est celle de Julien, un jeune homme équilibré et bien dans sa peau, qui un matin de décembre 2000 a décidé de devenir berger.
Julien aurait pu être chercheur comme son père et travailler au CNRS ou avocat comme sa mère, ses parents eux-mêmes voyaient en lui un futur médecin. Mais rien de tout cela n'intéressait notre jeune rêveur. Julien n'a jamais été intéressé par l'esprit de compétition bien qu'il aimât de temps à autres courir dans les bois aux alentours de chez lui, juste pour garder la forme et s'aérer les poumons. En fait, quand Julien faisait sa course quotidienne dans le parc municipal, il se sentait chez lui, proche d'une certaine idée de la vie, celle de vivre dans une atmosphère en adéquation avec la nature.
Julien cherchait, chaque fois qu'il le pouvait, à fuir cette ville de poussière nauséabonde qu'est Paris. Julien n'est pas du genre ambitieux non plus, Julien n'envie rien à ses parents, Julien se sent tellement différent de ca.
Julien est un solitaire. On ne lui compte ni amis ni amies véritables. Il a bien eu une petite amie un jour, mais ca n'a pas duré très longtemps, Julien étant bien trop à l'antithèse de ce que peut attendre une femme chez un homme.
En fait, à 20 ans, Julien était toujours vierge. Il n'avait jamais voulu abuser du corps d'une femme pour satisfaire un plaisir qu'il qualifiait lui même d'illusoire. Il préférait attendre le moment où une femme se révelerait à lui pour de bon et que ce jour là lui aussi aurait envie d'unir son corps à cette personne avec laquelle il aurait choisi de vivre.
Écologiste convaincu, Julien refusait d'utiliser une voiture et en place de la vieille R5 qui avait appartenu à sa grand-mère décédée et que ses parents lui avaient donnée, il continuait de se déplacer sur son vieux mountain bike que son père lui avait offert pour ses 15 ans et dont il avait réhaussé la selle.
Julien était aussi un non violent convaincu, refusant de se battre, il préferait chaque fois que c'était possible, régler ses conflits par le dialogue que par la force brutale.
On lui connaissait cependant un seul ami, un jeune maghrébin du même age, Nassim mais né en France et que les parents de Julien ne voulaient pas voir à la maison en raison de son appartenance à un milieu social défavorisé. Bien sur, ces derniers se refusaient à parler de racisme mais leurs allusions à peine voilées étaient parfois claires : " ton copain Nassim n'est pas de la même culture que nous " ou " Nassim n'est pas chrétien, il ne sait pas comment on vit ".
Mais Julien se foutait bien de ce que pensait ses parents, et continuait à voir son pote Nassim en cachette.
Et entre les deux s'étaient établie une confiance réciproque, les deux amis se disaient tout et ce depuis l'enfance. Mais bien sur le quotidien de Nassim était plus dur, ayant vécu dans un milieu plus que modeste et de surcroit fils d'immigrés, il a été obligé de se battre pour prouver ses valeurs et ses qualités. Sa couleur de peau et sa religion étant parfois plus un obstacle supplémentaire mais Nassim avait appris à prendre les choses avec sagesse et philosophie, et désormais il portait cet épithète d' " Arabe " avec fierté et non plus comme une honte.
Un jour que Nassim et Julien était assis tranquillement sur un banc au jardin public, Julien fit part à son ami de quitter ses études de médecin et de devenir berger.
Nassim crut que son copain était devenu fou. " Mais tu es fou Julien ?, dit Nassim en fixant son ami dans les yeux, tu as la chance de faire des études et tu veux arrêter ? Non Julien fais pas ca, ne délaisse pas la chance qui t'es offerte d'être un homme respectable et respecté."
Julien s'attendait à cette réaction aussi avait il tout prévu. En souriant calmement, il sortit un petit livre de sa poche et le tendit à son ami qui le pris. " Les étoiles, récit d'un berger provençal, lu Nassim en regardant la couverture et commença à lire, du temps que je gardais les chèvres sur le Lubéron, je restais des semaines entières sans voir âme qui vive, seul dans le pâturage avec mon chien Labri et ses ouailles..." Nassim interrompit sa lecture " Non sérieusement, Julien, c'est ca qu.." " Mais tu ne comprends donc rien, Nassim, l'interrompit Julien, tu es comme tous ces gens, tu es aveugle, tu ne vois donc pas où est la vérité ? Regardez vous, regardez ce monde, vous acceptez votre sort le petit doigt sur la couture du pantalon, au garde-à-vous, et vous marchez tous d'un même et unique pas. On vous pousse à consommer, à vous endetter mais merde vous êtes libre, libre de vos besoins comme de vos désirs. De quoi avons nous le plus besoin ? d'air pur, d'espace pour vivre et de pain. Pour gagner ce pain, je pense que travailler comme berger est suffisant."
Nassim regarda son ami avec interrogation et stupeur. Etait il devenu fou ou avait il raison ? Et si lui aussi était sur une fausse route ? Allait il accepter de travailler comme ouvrier à la chaine pendant toute une vie ? Nassim leva les yeux sur son ami et prit ses mains dans les siennes en lui souriant. Le soir même, ils étaient partis. Abandonnant pour l'un ses études, abandonnant pour l'autre un travail qu'il jugeait trop routinier. Ils s'achetèrent avec toutes les économies qu'il leur restait et de la vente de la R5 de Julien quelques chèvres et se mirent à vivre en bergers, heureux le soir d'admirer les étoiles sous la voûte nocturne, bien loin de l'homme et de sa civilisation du Tout Consommable.
Voila, chers amis, l'histoire que je voulais vous raconter aujourd'hui, aussi si vous avez un rêve vous aussi, ne remettez pas à demain ou à après-demain ce que vous désirez le plus faire au plus profond de vous mêmes mais foncez et ce qu'importe ce que dira vos proches, vos amis ou la société. On a qu'une vie. Il faut toujours faire ce que dit votre cœur.

Une fort belle histoire Citoyen, pleine de douceur, comme on aime à raconter aux petits enfants pour les endormir. Mais, quand l’hiver est venu, que la neige recouvre la montagne, les chèvres sont rentrées et le berger sous la cabane ne voit plus les étoiles, dort sur la paille, accompagné de l’odeur du fumier.

J’ai aussi une histoire, celle d’un vieil homme d’aujourd’hui soixante dix ans.

« Ben » elle commence dès sa naissance. Normal non ? Juste après que ses parents soient sortis du camp de concentration d’Argeles, ayant accepté de travailler aux champs pour les paysans de ce pays qui manque de bras. Les Hommes sont à la guerre.

Mais voilà, l’ennemi gagne et envoie les jeunes hommes restant travailler dans le pays de l’envahisseur. Le père de l’enfant, (que nous allons appeler….heu….tiens, Jean….Pourquoi pas, a 18 mois) se refuse à cet ordre arguant de sa nationalité. Alors, cette famille est reconduite à la frontière de leur pays d’origine….par la gendarmerie nationale.

C’est important pour la suite, le Grand - Père et la Grand – Mère de jean, eux aussi sortis du camp, peuvent rester dans le Pays. C'est eux qu'il retrouvera plus tard.....

Ce sera Noël dans quelques jours, et lui aura 10 ans juste après. Là, tenant son petit frère par la main, il traverse le pont qui sépare les deux pays. Il pleut, il fait froid. Juste une chemise et un pantalon court. Au bout, après les hommes en uniforme, deux vieilles gens les attendent.

L’aventure commence très vite.

Habillé chaudement, couvert d’une grande cape toute noire et chaussé de ce qu’on appelle des galoches…des chaussures à corps de carton bouilli et semelles de bois, on le conduit à l’école.

Pendant la récréation, il est entouré par d’autres, plus grands ; On le bouscule, lui dit des choses qu’il ne comprend pas bien sûr, mais les crachats et les bourrades, n’ont pas besoin de traduction. Alors simple réflexe de survie ? D’un coup de galoche il élimine le plus virulent, un certain qu’ils appellent Coco.

Un « instit » a vu. Sépare le groupe. Il parle la langue de Jean et lui dit qu’il faut qu’il vienne le voir à la fin de l’école.

L’ « instit » M. Bareault l’accompagne jusqu’à chez les grands parents et explique qu’il va prendre soin de cet enfant.

M. Bareault tous les jours s’occupera de Jean, il lui apprendra à lire et à écrire. M. Bareault a construit un télescope et un microscope, avec Jean et sa fille Monique, il passera des heures à leur faire voir les étoiles, dire les noms des planètes, regarder des ailes de mouche ou des pistils de fleurs.

La « saloperie d’étranger qui vient bouffer le pain des Français en France », est un bon élève, vite il rattrape, suit les cours secondaires et va même en « fac ». Un jour….

Contrôle d’identité à la sortie du campus. Un des gendarmes lui fait remarquer qu’il a bien de la chance d’aller à la fac, quand..... "les petits Français se font casser la gueule en Algérie », alors.... qu’il « se tienne tranquille » ! .... ou s’est le retour à la frontière.

C’est ainsi que Jean va devenir ambitieux. Il se fait naturaliser. Son tour arrive vite « pour l’Algérie ». Mais à l’époque, point de milliers et de milliers d’étudiants comme aujourd’hui, il fera donc les EOR et c’est lui qui va commander « les Petits Français ».

De retour dans « le civil », il reprendra ses études, pour un temps au CEA, puis pendant plus de 32 ans dans un groupe, il accèdera à la direction de la "Région Normandie".

Dans un petit village, il va acheter un lopin de terre. Ce secteur est en pleine déconfiture, on lui confiera les rênes pendant plus de vingt ans, mais un grave accident de santé ne lui permet plus d’assumer correctement ses responsabilités.

Il a cinq enfants, tous pourvus et huit petits enfants.

Il a planté son arbre, bâti sa maison et créé un foyer.

Il lui arrive d’écrire des poèmes et de jouer de la guitare, il sait rire et chanter !

Alors voilà, je me permets de reprendre ta phrase :

«Voila, chers amis, l'histoire que je voulais vous raconter aujourd'hui, aussi si vous avez un rêve vous aussi, ne remettez pas à demain ou à après-demain ce que vous désirez le plus faire au plus profond de vous mêmes mais foncez et ce qu'importe ce que dira vos proches, vos amis ou la société. On a qu'une vie. Il faut toujours faire ce que dit votre cœur. »

Jean a écrit:

Une fort belle histoire Citoyen, pleine de douceur, comme on aime à raconter aux petits enfants pour les endormir. Mais, quand l’hiver est venu, que la neige recouvre la montagne, les chèvres sont rentrées et le berger sous la cabane ne voit plus les étoiles, dort sur la paille, accompagné de l’odeur du fumier.

Tu as vraiment le chic pour briser mon idéalisme. Encore une fois, tu as marqué un point... je n'avais pas pensé à ça.

Sans rancune, Jean. Après tout j'ai peut-être trop la tête dans les étoiles (ou les nuages) et je n'ai plus assez les pieds sur terre. Je te remercie de m'y ramener.

Désolé Citoyen, vraiment ! L'âge peut - être, aussi "le vécu".

Pas marrant le vieux hein ?

Jean a écrit:

Désolé Citoyen, vraiment ! L'âge peut - être, aussi "le vécu".

Pas marrant le vieux hein ?

Dans la vie toutes les générations sont complémentaires.