Il y a toujours chez Racine, comme dans la tragédie antique, l’idée que l’Homme est tributaire d’un destin qui le dépasse. Si chez Sophocle, par exemple, l’Homme était manipulé par les Dieux, chez Racine il est esclave de ses passions.
Voilà toute la dualité du théâtre racinien : dualité, comme tu le dis, entre la raison et la passion, entre l’esprit et le corps. Il y a tragique dans le sens où l’Homme ne peut aller, chez Racine, contre ses passions même si ces passions finissent par le dévorer et le détruire.
Le personnage racinien aime un personnage qui en aime un autre. La raison devrait le pousser à renoncer mais la passion est toujours plus forte ainsi Phèdre qui aime Hypolite qui aime Aricie se laissera anéantir par le feu de ses émotions (amour, colère, violence…).
Racine nous dit que la passion détruit, que la raison construit et que le destin à la fois sublime et misérable de l’Homme ne dépend pas de sa raison mais de sa passion.
L’enseignement est effroyable et sans appel.
Avec Corneille, l’enseignement est un peu plus optimiste puisqu’il laisse à ses personnages la possibilité du choix. Le dilemme cornélien est terrible mais l’Homme peut atteindre le sublime quand, par exemple, il fait le choix difficile du pardon. C’est en pardonnant à Cinna son projet de conjuration, qu’Auguste devient véritablement admirable puisqu’avant d’exercer son pouvoir de vie ou de mort sur les Hommes, il se montre maître de lui-même et atteint ainsi la véritable gloire.