> C'est au Moyen Age, semble t-il, qu'ont été formulés et définis la plupart des interdits sexuels qui ont marqué les sociétés européennes jusqu'à une époque relativement récente.
Saint-Augustin est le premier à dénoncer violemment la sexualité. Son enseignement inspira de nombreux écrits de théologiens et la rédaction des Livres Pénitentiels où le sexe y est lourdement réprimé.
La masturbation féminine, par exemple, est punie de 7 ans de jeûne. Et la pratique de positions jugées "contre nature" : 15 ans de pénitence au pain et à l'eau.
Pour Jean Scot Erigène, le sexe est l'obstacle au salut de l'humanité, pire sa perdition. Point de salut hors de la chasteté. La virginité est même louée.
L'état de mariage, qui suppose une souillure sexuelle, est également suspect. Léandre de Séville ne lui trouve d'ailleurs pas d'autre signification que permettre la naissance de vierges...
La société est hiérarchisée selon des degrés de perfection : en bas, les conjoints, au niveau intermédiaire les chastes et les continents, au sommet les vierges.
Bien sur, cette horreur du sexe va de pair avec une certaine misogynie. L’Église du Moyen Age hait les femmes. La femme, c'est la "porte de l'Enfer". A cause du péché d'Eve, la première femme qui, en désobéissant à Dieu, a contraint le Christ à se sacrifier pour le salut de l'humanité. La femme, c'est la chair, la débauche, le péché...
Mais heureusement pour la réputation des femmes, il y eu quelques figures ecclésiastiques "éclairées" tel l'évêque Jonas d'Orléans qui réhabilitèrent la gent féminine ainsi que le mariage (copulatio honesta).
C'est surtout Saint Thomas d'Aquin qui, au XIIIe siècle, définit la doctrine catholique de la sexualité et l'adoucit quelque peu. Ainsi, l'acte charnel fut considéré comme "pur" si, et seulement si, il est pratiqué à des fins de procréation. Le plaisir peut même sceller une tendre amitié mari et femme dans le but de fonder une famille. Mais attention, la recherche seule du plaisir ne peut être une fin en soi. Dieu a voulu que le plaisir soit un stimulant pour rendre la procréation agréable, c'est tout.
D'où la condamnation des pratiques contraceptives.
Mais même en dépit de l'assouplissement des condamnations initiales de la sexualité, l'Eglise continuera de considérer la pratique sexuelle difficilement compatible avec une vie chrétienne. Ainsi, Bernardin de Sienne écrit au XVe siècle : "sur mille ménages, je crois que neuf cent quatre-vingt dix-neuf appartiennent au diable".
La réhabilitation de la femme s'opéra à partir du XIIe siècle, en relation avec l'essor du culte marial. Mais le modèle proposé par l'Eglise resta justement celui de la virginité.