A-t-on retrouvé la tombe de Jésus?
Richard Hétu
New York
L'hypothèse n'est pas neuve, mais elle demeure explosive. De son vivant, Jésus-Christ aurait eu une épouse et un fils, aux côtés desquels il aurait été enterré. Nul autre que le réalisateur de Titanic, James Cameron, défend cette hérésie, qui se retrouve au coeur du documentaire Le tombeau perdu de Jésus, dont il est producteur. Réalisé par Simcha Jacobovici, Canadien d'origine israélienne, le film sera présenté dimanche soir sur la chaîne de télévision Discovery Channel.
«En tant que documentariste, je ne dois pas avoir peur de chercher la vérité», a déclaré Cameron lors d'une conférence de presse à la New York Public Library, où ont été dévoilées les boîtes taillées dans le calcaire où auraient été recueillis les ossements de Jésus et de sa femme, Marie Madeleine.
Engagé depuis 10 ans dans des projets cinématographiques touchant à la science et à l'exploration, Cameron a évoqué des «preuves tangibles, archéologiques et scientifiques» de l'existence d'un Jésus-Christ marié et père de famille.
Mais il n'a pas fallu chercher loin pour entendre un autre son de cloche. «Je suis sceptique, c'est dans ma nature», a déclaré l'archéologue britannique Shimon Gibson, qui a participé en 1980 à l'exhumation de la tombe du quartier de Talpiot, à Jérusalem, où se trouvaient 10 boîtes funéraires appartenant à une famille juive du 1er siècle de notre ère.
«Tout ce que je peux dire, c'est que l'hypothèse mérite d'être étudiée davantage», a ajouté Gibson, lors du point de presse new-yorkais. Selon l'Autorité des antiquités d'Israël, les ossuaires de la tombe de Talpiot portent divers noms, dont ceux de «Jésus, fils de Joseph», «Judas, fils de Jésus», «Maria», «Joseph» et «Mariamne» (soit Marie Madeleine en grec).
En 1996, l'année où ces inscriptions ont été rendues publiques, la chaîne de télévision britannique BBC a présenté un court documentaire affirmant que la tombe de Talpiot était probablement celle de Jésus-Christ. Archéologues et religieux avaient sévèrement critiqué la chaîne britannique d'avoir diffusé de telles conjectures.
Simcha Jacobovici, réalisateur du Tombeau perdu de Jésus, revient néanmoins à la charge, apportant ce qu'il qualifie de nouvelles «preuves». Il a notamment fait appel à un statisticien pour abattre l'argument de la fréquence des noms de Jésus, Judas, Maria et Joseph à l'époque.
En tenant compte de ces noms, Andrey Feuerverger, professeur de mathématiques à l'Université de Toronto, a conclu que la probabilité est de 600 contre 1 que le tombeau de Talpiot soit bien celui de Jésus-Christ.
Simcha Jacobovici a également fait appel à un expert de l'ADN, qui a démontré que «Jésus, fils de Joseph» n'avait pas de lien sanguin avec «Mariamne» (Marie Madeleine). C'est donc dire qu'ils étaient probablement mari et femme.
Mais ce Judas, qui serait né de leur union, pourquoi son nom n'est-il pas mentionné dans les Évangiles, comme l'est celui de Marie Madeleine, la femme la plus importante du Nouveau Testament après Marie?
Les artisans du Tombeau perdu de Jésus ont une réponse à cette question, mais ils n'ont pas de preuve tangible. Ils soutiennent que Judas est ce «disciple bien-aimé» auquel font référence les Évangiles.
«Si les évangélistes avaient nommé le fils de Jésus, ils auraient signé son arrêt de mort», a déclaré l'archéologue et auteur Charles Pellegrino, qui a cosigné avec Simcha Jacobovici un livre portant le même titre que le documentaire.
«Le «disciple bien-aimé» est là lors de la dernière Cène, et il se retrouve avec Marie Madeleine au pied de la croix.»
Deux autres universitaires ont également participé à la conférence de presse, dont James Tabor, spécialiste en archéologie biblique, qui a tenté de réconcilier l'hypothèse de Cameron et Cie et le dogme chrétien de la résurrection. L'ossuaire de «Jésus, fils de Joseph» ne prouve-t-il pas qu'il n'est pas revenu à la vie après sa mort?
«Il y aura un débat théologique sur cette question, comme il y en a un sur la question de l'évolution, a dit Tabor, qui enseigne à l'Université de Caroline du Nord. Les fondamentalistes refuseront d'aller au-delà d'une interprétation littérale des Évangiles. Les autres pourront citer Paul, qui parle d'une résurrection spirituelle.» Simcha Jacobovici s'est défendu hier d'avoir orchestré un coup publicitaire pour attirer l'attention du public sur son documentaire.
«Ce n'est pas un coup publicitaire, je vous présente aujourd'hui des documents authentiques», a-t-il déclaré en faisant référence aux ossuaires de «Jésus, fils de Joseph» et de «Mariamne».
Il n'en fallait pas plus pour que Cameron parle de son compatriote comme de «l'Indiana Jones de ce projet».