la justice

Quand justice est rendue, cela signifie quoi ?

pour illustrer ma question, je raconte :
Un aiguilleur du ciel sur sol suisse se retrouve seul à gérer les arrivées et les départs dans une partie sud du ciel de l'Allemagne, le jour où un avion venu d'Ossetie, avec à bord des dizaines de jeunes et quelques membres de leur famille, s'écrase en faisant 71 victimes. Parmi eux, la femme et les deux enfant de VK. C'était en juillet 2002.
En avril 2004, inconsolable, VK, après avoir vainement chercher des excuses des responsables de Skyguide (compagnie privée qui gère la navigation aérienne civile et militaire, en Suisse), se rend au domicile de l'aiguilleur du ciel (marié et père de 3 enfants) et l'assassine à coups de couteau.
Jugé, VK est condamné ces jours-ci à 8 ans de prison.

Avec cet exemple de la vraie vie, j'aimerais mettre en évidence une ou deux choses.
Pour la première: ne pas faire le jugement du jugement ou de la justice suisse.
Mais surtout réfléchir sur la valeur d'une condamnation, qu'elle soit d'ici ou d'ailleurs.
Est-il une punition, une réparation ou un laps de temps donné à un coupable pour lui permettre de se réinsérer dans la société ?

Une punition c'est une vengeance légale : la justice fait souffrir un condamné afin d'apaiser les victimes ivres de vengeances.
Ca sert aussi de moyen de dissuasion contre les récidives.

La réparation c'est quand un accusé est condamné à payer des dommages et intérèts à sa victime.

La prévention c'est quand on essaie d'éduquer un accusé pour qu'il comprenne par lui-même pourquoi il ne doit pas recommencer.
Ca peut aussi être enfermer ou tuer un condamné pour l'empécjher de récidiver.

Le justice humaine ce n'est jamais que le mélange disparate de ces solutions.

cébé a écrit:

Un aiguilleur du ciel […]

Est-ce qu'il a reçu un blâme ? Quel a été son comportement envers les familles des victimes ?
 

Il a été mis à pied et a rencontré officiellement les familles des victimes, selon ce que je m'en souviens. Mais je répète, le sujet n'est pas strictement cette affaire, mais le concept de justice.
Ainsi, ce VK a été condamné à 8 ans de prison et c'est autant ou plus que certains escrocs en col blanc ou violeurs. Or il ne risque pas de récidiver, lui. Alors je me pose la question de savoir pour quoi la justice condamne-t-elle ? ... et quelle valeur donner à la sentence ?

Atil parle de vengeance et cela m'interpelle grandement. A quoi sert vraiment la vengeance et quels sont ses limites et disons-le clairement ses vices ?

Plutôt que de vengeance, car la Justice est sans crainte mais sans haine, je parlerais d'équilibre. Depuis celui d'Hammourabi, les codes de justice se sont complexifiés à l'extrême. C'est peut-être pour cette raison que beaucoup de gens ont le sentiment que la justice est une farce. Alors qu'en fait ce sont les lois qui sont souvent trop complexes, donc inapplicables, ou facilement contournées par les avocats habiles. En un mot, la justice est un sentiment d'équilibre : Tu as tué mon fils alors je tue le tien. Je sais que cela semble primitif, mais c'est la première réaction. Ensuite, il s'est produit un transfert, la Société réagit au nom de la victime, on n'a plus le droit de faire justice soi-même. Je me demande si c'est sage…
 

Mis à quoi sert ce système d'équilibre ?
Pourquoi ressent-on l'envie qu'il y ait un équilibre ?
Ce n'est jamais qu'une rationnalisation du désir émotif de vengeance.
L'ancienne loi du talion le montre bien : on ne faisait que rendre légal ce qui existait déja avant sous le nom de "désir de vengeance".

Puis les lois se sont complexifiées. Le fait de ne plus pouvoir faire justice soi-même montre que la justice a progressivement essayé de transformer la vengeance haineuse en un système plus serein, moins réactionnel, moins poussé aux excés par les passions.

Mais les juges sont des hommes. Et les hommes ont des émotions.
Hors pour être équitable, sans favoritisme ni parti-pris, un homme devrait être sans émotion.

Atil a écrit:

[…] Hors pour être équitable, sans favoritisme ni parti-pris, un homme devrait être sans émotion.

Nous savons bien que c'est impossible… Mais pour être équitable, il suffit de s'en tenir à ce que dit la loi. Voir par exemple le Journal d'un avocat, le blog de maître Eolas. Il faut chercher un peu, mais il donne de nombreux exemples de justice appliquée.
 

On peut suivre la loi servilement, certe.
Mais celle-ci n'a pas tout prévu et est pleine de vides juridiques.

Atil a écrit:

On peut suivre la loi servilement, certes. Mais celle-ci n'a pas tout prévu et est pleine de vides juridiques.

C'est pour cette raison qu'elle évolue ! Pas toujours en phase avec la société, c'est vrai…
 

Pour ce qui est d'une justice en phase ou pas avec la société ...
... je viens de me rappeler que le tribunal fédéral (le plus haut niveau en Suisse) vient de reconnaître, pour un demandeur, que les entrées de cinéma et de piscine font partie des besoins vitaux pour le calcul des allocations aux enfants en cas de divorce.
C'est à se demander si le concept de "besoins vitaux" ne dérape pas un peu.

cébé a écrit:

C'est à se demander si le concept de "besoins vitaux" ne dérape pas un peu.

Oui. Excellente question. Je suis d'accord avec toi, à mon avis, les "droits individuels" (mal compris) vont finir par rendre la vie invivable, par dissoudre les liens sociaux. Genre j'ai bien le droit de manger mon voisin, c'est dans la tradition de mon peuple, anthropophage depuis des millénaires, etc. J'exagère. Mais chez moi, nous en sommes presque là, un certain groupe a réclamé sérieusement le "droit" à l'excision.