Vérité de la recherche

Atil a écrit:

Mais s'ils y réfléchissent à deux fois, ils devraient se rendre compte que ce n'est pas du tout leur intéret. Une fois la vérité ultime atteinte, ils se retrouveraient au chomage.

Tout le monde n'a pas cette préoccupation socio-matérielle lorsqu'il cherche ce qu'il pense être des vérités.

Sans tenir de compte de la "vérité" au bout d'une recherche, la notion même d'avancer n'a pas de sens. On n'avance pas si on se trompe de but...

Atil a écrit:

Mais la sagesse consiste peut-être à se rendre compte que la quète du savoir est une chose inutile ?

Tout aussi inutile que l'art, probablement. C'est ça qui est joli Ce sursaut d'activité et de beauté dans l'univers.

Duan Yu a écrit:

En cherchant, tu espères ne pas trouver la vérité, c'est ça ?

Tu ne m'as pas lu.

On n'espère pas ne pas trouver la vérité. On sait qu'on ne la trouvera jamais. On espère s'en approcher chaque jour un peu plus. C'est cette progression qui est une fin en soi, et éventuellement une source de plaisir.

Je ne parle pas de faire exprès de ne pas trouver (comme ces labos pharmaceutiques qui ne cherchent pas de vaccin contre le sida, car il est plus rentable d’avoir des patients accros à vie aux tri-thérapies que d’éradiquer la maladie en un gros flop commercial). Je dis juste que le chercheur (philosophe, scientifique, artiste…) doit admettre que les éléments de vérité qu’il trouvera ne seront que bribes et incertitudes. Qu’importe que la vérité soit plus importante que la recherche, puisque seule la recherche est accessible à notre niveau. On peut ,au mieux, progresser.

Duan Yu a écrit:

Sans tenir de compte de la "vérité" au bout d'une recherche, la notion même d'avancer n'a pas de sens. On n'avance pas si on se trompe de but...

Si le but est la connaissance, cela veut dire qu'on ne sait même pas à quoi ressemble ce but qu'on essaie d'atteindre. C'est seulement quand on l'aura atteint qu'on saura ce qu'il était.

Atil a écrit:

Tout aussi inutile que l'art, probablement. C'est ça qui est joli Ce sursaut d'activité et de beauté dans l'univers.

Donc c'est s'activer pour rechercher qui est "beau" et non pas trouver ?

Justement, c'est ça qui est beau : rechercher. Ce n'est pas du tout pénible comme Duan Yu le pense. Il se contredit lui-même, d'ailleurs, en mentionnant «ce sursaut d'activité et de beauté dans l'univers».

Certains pensent que c'est ce qui est inutile qui est beau.

Platon , lui, pensait que c'est ce qui est utile qui est beau.

Faux.

Socrate a écrit:

Ainsi il parait que la définition qui fait consister le beau dans ce qui est avantageux, utile, capable de produire quelque bien, loin d’être la plus belle de toutes les définitions, comme il nous semblait tout à l’heure, est, s’il est possible, plus ridicule encore que les précédentes, où nous pensions que le beau était une jeune fille, et chacune des autres choses que nous avons énumérées.

Hippias majeur.

Si une chose (une œuvre d’art) n’a pour fonction unique que d’être admirée, alors sa beauté est utile au moins en cela. Le fait que cette oeuvre puisse être associée à une autre utilité (architecture, design, mode…) est indépendant de son utilité propre. De fait, est beau ce qui est utile pour susciter en nous l’agréable sentiment d’admiration.

«De fait, est beau ce qui est utile pour susciter en nous l’agréable sentiment d’admiration»...

<o> Il reste à déterminer si «l'agréable sentiment d'admiration» est utile ou non.

Ça ne me surprendrait pas, Pizza-man, que tu trouves inutile d’être agréable…

Mais admettre qu’une chose est agréable, c’est lui reconnaître au moins cette utilité. Ça peut-être vrai d’un plat culinaire, d’un film, d’un morceau de musique, d’une caresse…

Une pizza, par exemple, a deux fonctions, pour le consommateur. Nourrir, d’une part, et d’autre part être agréable au palais et à l’œil. On peut difficilement dire qu’on admire avec le palais. On dira plutôt qu’on savoure, dans ce cas. Mais l’idée est la même. Le goût et l’aspect de la pizza sont-ils inutiles ? Ne vois-tu aucun inconvénient à ingurgiter des aliments sans saveur ?

On peut cependant se demander un instant si le fait d’admirer quelque chose est agréable en soi. Est-il agréable de trouver beau un morceau de musique ? Est-il agréable de regarder une belle personne ? de contempler un beau paysage ? de reconnaître un beau raisonnement ?

Je suppose qu’il existera toujours des gens pour répondre non à ces questions.

«Ça ne me surprendrait pas, Pizza-man, que tu trouves inutile d’être agréable»...

<o> Seulement avec les gens qui ne sont pas agréables avec moi, et qui ne prenne pas tout au premier degré

Je te conseille vivement de ne pas en faire une affaire personnelle, cela dit.




«Une pizza, par exemple, a deux fonctions, pour le consommateur. Nourrir, d’une part, et d’autre part être agréable au palais et à l’œil. On peut difficilement dire qu’on admire avec le palais. On dira plutôt qu’on savoure, dans ce cas. Mais l’idée est la même. Le goût et l’aspect de la pizza sont-ils inutiles ? Ne vois-tu aucun inconvénient à ingurgiter des aliments sans saveur ?»...

<o> Je ne nie pas l'aspect agréable des choses et des gens agréables. Je questionne seulement l'utilité de tout ceci.

Se nourrir par exemple, c'est utile. La saveur est également utile puisqu'elle permet de saliver. Et la salive est utile, comme on le sait.

Mais le fait de prendre son pied ne semble pas répondre à une fonction vitale quelconque.

erratum

lisez plutôt «et qui prenne systématiquement tout au premier degré».

Et «prennent» conjugué au pluriel

Citation :

Se nourrir par exemple, c'est utile. La saveur est également utile puisqu'elle permet de saliver. Et la salive est utile, comme on le sait.

Mais le fait de prendre son pied ne semble pas répondre à une fonction vitale quelconque.

Tu confonds utile et nécessaire.

Dans ce cas je reformule : Il reste à déterminer si «l'agréable sentiment d'admiration» est nécessaire ou non.

Il paraît qu’il rend aimable…

Je m’explique :

La question, jusqu’à présent, était, « est-ce que le beau est utile ? » Or, oui, il est utile, parce qu’agréable, donc source de bien-être (sensuel, intellectuel…). L’utilité du goût des aliments va bien au-delà des fonctions salivaires. Quand on prépare un bon repas pour des invités, ce n’est pas uniquement pour qu’ils salivent mieux. On veut les satisfaire sensuellement, pour leur faire plaisir, pour qu’ils se sentent bien. L’admiration de la « beauté » gustative des plats est donc nécessaire, en partie, à la satisfaction des mangeurs. La même soirée avec des pâtes à l’eau et un substitut de repas en intraveineuse pourrait laisser un souvenir mitigé aux convives.

Reste à savoir si le bien-être, le plaisir ou le bonheur sont nécessaires « en général », pour celui qui les ressent. Je suppose qu’un adulte déterminé peut tout à fait vivre des années entières sans plaisir (gustatif, sexuel, intellectuel, affectif, spirituel…), mais j’ai tout de même de gros doutes sur le développement personnel d’un individu qui ne connaîtrait jamais aucun plaisir dans toute sa vie. On peut l’imaginer passablement terne, voire aigri ; je suppose personnellement qu’il ne passerait pas l’âge de trois mois et se laisserait tout simplement mourir, par manque d’envie de vivre. Je crois que de telles expériences ont été réalisées en Russie au 19ème siècle, et que les bébés ainsi isolés sont tous morts en quelques semaines. Les sensations agréables seraient donc nécessaires au développement affectif équilibré d’un individu, mais aussi probablement indispensables à sa survie même.

Maintenant, sans pour autant tomber dans ces extrêmes, oui, le plaisir est nécessaire à l’épanouissement harmonieux d’un individu. Nécessaire ne veut pas dire vital. Et plaisir ne veut pas forcément dire sensualité. (On peut trouver du plaisir dans l’ascèse.) Les gens qui ne savent plus s’émerveiller devant le beau deviennent souvent tristes, aigris, désagréables. Savoir admirer, et y prendre plaisir, serait donc nécessaire ; nécessaire à une saine vie en communauté.

Je te remercie pour ces précisions, Ornicar. J'en prends bonne note, j'y réfléchirai, et je reviendrai là-dessu.